Violences conjugales: quelle prise en compte en entreprise?

Les violences conjugales sont un enjeu de société qui vont, bien souvent, se répercuter sur la vie professionnelle: quelle prise en compte en entreprise?

En France, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. 1 femme sur 10 a été, est, ou sera victime de violences conjugales au cours de sa vie.

Le premier confinement est venu mettre en exergue les situations des femmes victimes de violences conjugales. Le nombre d’appels reçus par le service d’écoute des victimes de violences conjugales a bondi d’environ 400% entre la semaine avant le confinement et la semaine du 20 avril 2020 (pendant le confinement).

Contrairement aux idées reçues, la plupart de ces femmes occupent un emploi et ces violences ont un impact sur leur vie professionnelle (stress, baisse de productivité, absentéisme et isolement…).

-> Notons ici que bien qu’elles soient majoritaires dans les statistiques, les violences conjugales concernent également les hommes.

Une étude de la Fondation Agir contre l’Exclusion & OneInThreeWomen (le premier réseau européen d’entreprises engagées contre les violences faites aux femmes), démontre l’ampleur du phénomène des violences conjugales et l’impact sur l’entreprise.

Quelques chiffres issus de l’étude : 56% des salarié.e.s ayant subi ces violences déclarent qu’elles affectent négativement leur travail et 32% déclarent s’être absenté.e.s du travail à cause de ces violences. 42% des personnes victimes de violences conjugales en ont discuté avec quelqu’un.e au travail, le plus souvent avec leurs collègues ou leurs supérieur.e.s. Environ 18% de ces salarié.e.s ont déclaré qu’au moins un acte violence s’est produit sur le lieu de travail ou à proximité de celui-ci.

Ce sujet ne s’arrête donc pas à la porte des entreprises et mériterait une posture proactive par les entreprises. Mais alors, quel rôle? quelle prise en compte possible des violences conjugales au sein de l’entreprise?

La détection : une étape clé

Toute la complexité de la détection des violences conjugales réside dans le fait qu’elles ont majoritairement lieu dans la sphère privée. Dans le cercle de la violence, la victime peut parfois ne pas avoir conscience que ce qu’elle vit n’est pas normal parce qu’elle est sous l’emprise de son conjoint.e. Enfin, les violences génèrent parfois un sentiment mêlé de honte, voire de culpabilité chez la victime qui n’ose s’exprimer.

Parmi les signaux sourds qui peuvent s’accumuler et laisser supposer une situation de violence: une modification de comportement (irritabilité, pleurs, grande fatigue…), des retards, des absences médicales. A l’opposé, le présentéisme peut également être un signe dans la mesure où le lieu de travail est plus sécurisant que le domicile.

1 salarié.e sur 10 connait un.e collègue ayant subi des violences conjugales. La détection est une étape primordiale qui doit être portée par toutes les strates de l’entreprise: du collègue de proximité à la direction. Les managers ont un rôle crucial car ils sont souvent les premiers à repérer les modifications de comportements. C’est à ce moment, qu’il est essentiel d’écouter, de rassurer, soutenir et de sensibiliser la personne. L’objectif étant de sécuriser le/la salarié.e pour lui permettre de s’appuyer sur les leviers de son environnement.

L’étude précédemment citée démontre que seul.e.s 2 répondant.e.s sur 10 déclare connaître les ressources à leur disposition sur leur lieu de travail en cas de violences conjugales.

Que peuvent faire les entreprises?

Il existe très peu de process institutionnalisés concernant les violences conjugales et leur prise en compte dans les entreprises.

Toutefois,certaines bonnes pratiques peuvent être encouragée et instituées:

-Organiser des campagnes de sensibilisation en interne auprès de l’ensemble des salariés: élaboration d’un guide, campagnes d’affichage, conférence, vidéos …

Former les managers à l’écoute active: l’écoute active est un outil puissant de libération de la parole. L’objectif n’est pas de faire des managers des professionnels de l’écoute mais bien de les munir de techniques de communication bienveillantes et sécurisantes et qu’ils deviennent des relais de l’information et d’alerte.

​-Identifier clairement les personnes ressource au sein de l’entreprise et leur champ d’intervention: assistant.e de service social en entreprise,  médecin du travail, infirmièr.e, IRP,…

-Intégrer la question des violences faites aux femmes dans les enjeux de l’égalité professionnelle et de Responsabilité Sociétale des Entreprises.

-Pour compléter, vous pouvez également utiliser les outils et supports mis en ligne par le gouvernement.

En somme, toute la subtilité du sujet va résider dans un juste dosage entre « l’entreprise: lieu ressource et protecteur » sans porter atteinte à la vie privée des salarié.e.s.

Le rôle du service social: prévention, détection, soutien, orientation

L’assistant.e social.e du travail est un acteur central dans les différentes étapes de prise en compte et d’accompagnement au sein de l’entreprise: à l’écoute des salarié.es, conseil et orientation vers les bonnes structures et associations, tout en étant soumis au secret professionnel.

L’assistant.e. social.e propose un accompagnement global, prenant en compte toutes les dimensions de la situation de la personne.

Il arrive souvent que la question des violences soit abordée au cours d’un accompagnement portant initialement sur un autre sujet. La relation de confiance, les temps d’échanges permettent à la personne de se livrer davantage et d’évoquer ce sujet. Ainsi, les accompagnements permettent la détection de situations jusque là invisibles.

Lorsque la situation est détectée par un tiers de l’entreprise en dehors d’un suivi social, il est essentiel d’orienter vers l’assistant.e social.e (lorsque qu’il y en a dans l’entreprise ou de faire intervenir un service prestataire de manière ponctuelle). Il s’agit avant toute chose de rompre l’isolement de la personne et de s’appuyer sur les leviers existants.

Sa connaissance des acteurs et des institutions lui permet d’orienter vers des associations spécialisées, d’appuyer une demande de logement ou de rechercher un logement dans l’urgence le cas échéant afin de protéger le/la salarié.e..

Soutenir la personne dans toutes les étapes du processus est essentiel pour, in fine, favoriser son maintien dans l’emploi et réduire les effets des violences conjugales sur sa situation professionnelle.

Pour ce qui concerne la prévention, l’assistant.e social.e du travail dispose de compétences en gestion de projet et en conception d’actions de
sensibilisation. N’hésitez pas à le/la solliciter.
La prise en compte des violences conjugales: un enjeu de performance pour l’entreprise?
Enfin, s’il fallait citer un dernier argument concernant l’intérêt d’une entreprise à agir, nous évoquerions les chiffres de l’institut européen EIGE qui estimait, en 2014, à 122 milliards d’euros les conséquences des violences conjugales sur l’économie de l’union européenne (arrêts de travail, gel des activités, morosité des équipes, perte de productivité voire morts de salarié.e.s).